La franchise une solution au développement de PME performantes en Afrique ?
Nous avons demandé à Monsieur NDIAYE si son article de 2016 nécessitait une mise à jour, il nous a répondu que la situation n’avait pas vraiment évolué.

Malgré un développement fulgurant et une croissance rapide dans le monde, la franchise tarde encore à acquérir ses lettres de noblesse dans les pays africains.
Certains pays dont l’Afrique du Sud, le Maroc, la Tunisie, l’Égypte, entre autres, connaissent dans ce domaine des avancées notables. Mais ces opportunités sont nées surtout d’enseignes étrangères. On trouve encore très peu d’enseignes locales franchisées.
Pourtant, cette formule est un outil puissant de développement économique et social, surtout dans les pays où les PME sont confrontées à la lancinante question du financement et où leur taux de mortalité précoce atteint parfois des niveaux très élevés.
Aussi, les obstacles liés au développement de la franchise peuvent-ils être appréciés au regard de la législation des pays à forte tradition de franchisage comme la France, du vide juridique en la matière qui caractérise certains pays comme le Sénégal et des efforts entrepris par certaines organisations pour la promouvoir.
Encore faudrait-il d’abord décrire brièvement l’historique du franchisage et ensuite présenter la formule du point de vue juridique et technique.
1. Brève historique
Le concept est né au moyen âge européen, à l’époque où les serfs se mettaient sous la protection d’un Seigneur moyennant des services de récoltes, par exemple. De nos jours, il se traduit par la protection du franchisé par le franchiseur disposant d’une enseigne dotée d’une excellente notoriété doublée d’une forte image et qui a éprouvé sur les marchés ses techniques de production, de commercialisation, de gestion et de management.
Déjà dans les années 1930, La Lainière de Roubaix, en France, a développé ce type de distribution, par le biais de l’enseigne PINGOUIN, toujours célèbre.
Mais c’est dans les années 50, aux États-Unis, que la franchise a amorcé une croissance rapide avec le développement du marché de l’automobile marqué par le célèbre modèle « T » de la marque Ford et la Singer Sewing Machine.
Il convient de noter l’atterrissage de la formule sur la côte ouest africaine, notamment à Dakar dans les années 1956, avec le réseau des magasins Printania et, un peu plus tard, dans les années 70-80 avec les grandes sociétés de location de voiture comme Hertz, Budget et Avis.
La franchise a donc fait une incursion rapide en Afrique avant d’y trouver un terrain de prédilection avec des enseignes de notoriété mondiales comme Mc Donald, Kentucky Fried Chicken, pour ne citer que celles-là, dans le domaine de la restauration rapide.
C’est à ce titre qu’elle a aujourd’hui droit de cité dans la plupart des grandes capitales africaines, notamment en Afrique du Sud, au Nigéria et au Maghreb.
Il faut noter que la franchise s’est surtout développée avec l’avènement de l’instrument juridique de développement de réseaux de distribution de produits de grande consommation dénommée le contrat de location gérance (Singer Sewing Machine, essenceries BP, Texaco, etc.).
Avec l’évolution des modes de contractualisation et surtout pour des raisons liées à la protection des franchisés, la matière a fait l’objet de l’institution d’un cadre juridique propre dans les pays développés ; ce qui a fortement impulsé son développement.
2. La franchise est avant tout un contrat de nature particulière
Elle se définit comme « une méthode de collaboration entre une entreprise, le franchiseur d’une part, et une ou plusieurs entreprises, les franchisés, d’autre part, pour exploiter un concept de franchise mis au point par le franchiseur et composé de 3 éléments au moins :
- la propriété ou le droit d’usage de signes de ralliement de la clientèle: marque de fabrique (de commerce ou de service), enseigne, raison sociale, nom commercial, signes et symboles, logos ;
- l’usage d’une expérience et la mise au point d’un savoir-faire (Know How) ;
- une production industrielle, une gamme de produits et/ou de services et/ou de technologies ».
La Commission européenne complète cette définition en insistant sur la rétribution du franchiseur. Elle définit la franchise comme étant « un accord par lequel une entreprise, le franchiseur, accorde à une autre, le franchisé, en échange d'une compensation directe ou indirecte, le droit d'exploiter une franchise dans le but de commercialiser des types de produits et/ou des services déterminés ; il doit comprendre au moins :
- l'utilisation d'un nom ou d'une enseigne communs et une présentation uniforme des locaux et/ou moyens de transport visés au contrat ;
- la communication par le franchiseur au franchisé d'un savoir-faire ;
- la fourniture continue par le franchiseur au franchisé d'une assistance technique, financière et commerciale pendant la durée de l'accord. »
Quelle que soit la définition, il convient de retenir que le franchiseur doit disposer d'une marque et d'un savoir-faire transmissible. Son concept doit être, au préalable, testé dans un ou des sites pilotes et doit être répliquable.
En outre, pour le franchiseur, ce contrat permet un développement sur des marchés éloignés de son siège, en bénéficiant de l’expérience des entrepreneurs locaux et bien évidemment avec des économies par rapport à une stratégie de développement via le succursalisme.
Pour le franchisé, s’adosser à une enseigne connue et reconnue limite les risques de la création de son entreprise tout en bénéficiant de la notoriété et du know how du franchiseur, moyennant le versement d’un droit d’entrée (fixe) et des redevances calculées en proportion du chiffre d’affaires réalisé (royalties) par le franchisé.
La franchise permet donc au franchiseur une meilleure diffusion de sa marque et l’optimisation de son image avec un investissement initial maîtrisé et un fort taux de rendement.
A ce titre, elle constitue un levier rapide de création et de développement d’entreprises performantes et viables, pourvoyeuses d’emplois et de richesses tant pour le franchiseur que pour un entrepreneur indépendant.
D’où l’exigence d’une protection juridique particulière de la part des États et de règles de déontologie édictées dans un cadre participatif et concerté via les associations et fédérations de franchiseurs et de franchisés.
3. La franchise est aussi une technique qui associe deux types d’entrepreneurs
Le franchiseur est un entrepreneur indépendant qui souhaite lancer ou développer une activité industrielle, commerciale ou de prestation de services sur la base d’un savoir-faire porteur de succès et potentiellement extensible.
Ayant une bonne connaissance de son marché, le franchiseur dispose d’un concept original qui lui permet d’offrir un contrat de collaboration à des candidats franchisés désirant développer ce concept à leur compte.
Le franchisé est également un entrepreneur indépendant qui dispose d’un capital et veut l’investir dans une entreprise qui se développe. Il est choisi par le franchiseur sur la base de critères liés particulièrement au respect strict de son package deal.
Suite à cette sélection, les deux parties signent un contrat de franchise qui laisse le franchisé juridiquement responsable de sa propre entreprise mais redevable, en retour, d’un droit d’entrée forfaitaire et de redevances proportionnelles, en général, au chiffre d’affaires.
La franchise permet donc au franchisé de profiter d’un marché bien maitrisé par le franchiseur et d’outils de gestion déjà testés et approuvés.
4. Un avantage indéniable pour entreprendre vite et bien dans un cadre sécurisé
La franchise repose sur la création et le développement d’un réseau d’entrepreneurs indépendants regroupés sous une enseigne commune. De ce fait, le franchisé qui rejoint un réseau de franchise bénéficie de plusieurs avantages, notamment :
- la possibilité d’intégrer un réseau dont la réputation est établie ;
- le droit d’accéder à marque disposant d’une forte notoriété et d’une image positive au plan national ou international ;
- le droit d’utiliser une enseigne connue et qui constitue un signe fort de ralliement de la clientèle ;
- le bénéfice du savoir-faire de son franchiseur qui doit lui être transmis de manière continue par des outils appropriés et surtout de la formation.
5. Un statut juridique pour réguler les relations entre les acteurs
La pratique et le développement de la franchise nécessitent des outils juridiques appropriés pour protéger et réguler les relations entre les franchiseurs et les franchisés.
Dans les pays développés comme la France, le législateur a mis en place un statut juridique de la franchise basé sur trois principes majeurs :
- un état des lieux complet de la franchise d’un point de vue économique ;
- une information précontractuelle obligatoire pour le franchisé avant toute signature de contrat ;
- un contrôle de l’application du contrat et des obligations des parties pendant toute la durée de l’accord.
Cette législation vise à protéger le franchisé contre d’éventuels abus du franchiseur et à garantir la transparence et l’équité dans les relations entre les deux parties.
Les pays africains gagneraient à s’inspirer de ces pratiques pour favoriser le développement de la franchise et de l’entrepreneuriat sur leur territoire.
6. Conclusion
La franchise représente un formidable levier de développement économique et social pour les pays africains. Elle permet aux entrepreneurs de bénéficier de l’expertise et de la notoriété des enseignes internationales tout en développant des entreprises locales performantes et viables.
Pour tirer pleinement parti de ce modèle, il est essentiel de mettre en place des cadres juridiques adaptés, de promouvoir la formation et l’accompagnement des franchisés et de favoriser la coopération entre les franchiseurs et les autorités locales.
La franchise peut ainsi contribuer à la création de richesses et d’emplois durables sur le continent africain.
Yatma Mody NDIAYE,
Expert commercial agréé dans l'Ordre National des Experts du Sénégal (ONES)
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- 21-06-2024 - Article: La franchise une solution au développement de PME performantes en Afrique ?